Mais quelle était cette étrange plante qui égaya de mi-juin à mi-juillet le coteau de La Brosse par ses fleurs violettes éclatantes ? Est-ce que le GAEC du Planu avait déniché une nouvelle fourragère pour produire du lait violet, dernier coup marketing de Milka ? Pour accentuer le mystère, une ruche placée au cœur de la parcelle portait des boîtiers gris à son entrée, avec une multitude de fils électriques, et d’où sortaient… des abeilles portant sur leur dos des puces électroniques ! Décidemment La Brosse fût le théâtre d’une drôle de pièce !
Cette plante aux fleurs violettes, la phacélie, est bel et bien une espèce particulière, seule représentante de sa famille en France (Hydrophylacées), utilisée en agriculture pour lutter contre des vers ravageurs des cultures (nématodes) ou comme engrais vert. Mais ce n’est pas le combat contre de sournois vers souterrain, ni même un besoin en azote, qui a motivé cette implantation mais plutôt la grande capacité qu’a cette plante à produire du nectar et du pollen, faisant d’elle une alliée très chère des abeilles. L’Association de Coordination Technique Agricole (ACTA) a mené une expérimentation sur les terres du Planu participant au développement d’une méthode innovante pour mieux connaître le comportement des abeilles. La question à l’initiative de ce travail est la suivante : comment suivre les allers et venues de quelques centaines d’abeilles butineuses ? Le défi n’est pas simple. Une solution serait de coller des étiquettes colorées et numérotées sur le thorax des abeilles, comme à l’époque du prix Nobel Karl Von Frisch. Mais on ne peut raisonnablement pas fixer du regard l’entrée de la ruche toute la journée pour tenter de repérer le numéro des abeilles. C’est pourquoi une nouvelle technologie, basée sur la détection de puces électroniques (RFID : Radio Frequency Identification Device), est très prometteuse. Lorsqu’une abeille portant une puce sur son thorax passe sous un lecteur (les boîtiers gris), le code de la puce et l’heure exacte du passage sont enregistrés. Les enregistrements se font de façon automatique et en continu, d’où la puissance de cet outil. Lors du premier jour de leur vie d’adulte (après 21 jours en larve), 600 abeilles ont été capturées puis marquées. L’étape du marquage demande de la minutie puisqu’il faut déposer une goutte de colle sur le thorax, puis y déposer une puce RFID qui mesure environ 3 mm² et pèse seulement 3 mg (3 % du poids de l’abeille). Ces « insectes à sac à dos » ont été relâchés dans la ruche équipée des lecteurs pour que leurs entrées et leurs sorties de la ruche soient enregistrées jusqu’à leur mort. En analysant les 237 000 enregistrements, il a été établi la fiche anthropomorphique de la butineuse « moyenne ». Elle débute sa vie de pourvoyeuse en nectar et en pollen vers l’âge de 13 jours. La doyenne est morte à l’âge de 45 jours. Elle a eu plus de chance qu’une de ses sœurs qui a eue un accident à l’âge de 2 jours seulement. Ces voyages entre la ruche et les fleurs, qui durent tout de même 45 minutes en moyenne, sont très risqués pour la butineuse car elle est sous la menace de prédateurs et d’intempéries. Mais on ne tue pas si facilement Maya : la plupart du temps elle meurt d’épuisement dans la ruche, éreintée par la trentaine de transports de nourriture effectuée. Même si la butineuse sort seulement 3 fois par jour, elle restera dehors 72 heures durant sa vie.
Mais pourquoi les chercheurs de l’ACTA ont choisi Longessaigne pour lâcher les abeilles à puces ? Parce que les résultats obtenus dans les Monts du Lyonnais, où le nectar et le pollen de la phacélie étaient abondants et proches, seront comparés à ceux obtenus en grandes cultures céréalières (menés par INRA) et en ville (menés par le CNRS) où les fleurs sont plus rares et éparses. Donc l’histoire n’est pas terminée !
La ruche équipée des lecteurs enregistrant le passage des abeilles portant les puces électroniques.
Une abeille portant une puce électronique sur son thorax.
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